Extrait de « Femme/esclave » (2025)
- Adèle Michaud
- 17 juin
- 3 min de lecture
Adèle Michaud, deuxième secondaire
Ce chapitre est narré par Abby, un personnage secondaire. Cliquez ici pour lire le prologue narré par la protagoniste, Laura.
Je m’ennuie de la ville. Les centres commerciaux et la joie de trouver une petite robe qui m’allait comme un gant avec mes amies me manquent. La nature, être entourée d’arbres et avoir un océan proche, ce n’est pas ce qui me rend heureuse ou ce qui m’aide à évacuer le stress.
Je ne me sens pas à ma place ici. Le soleil qui réchauffe ma peau, le sable entre mes orteils… c’est ce que plusieurs aiment, moi non. Les coups de soleil et le sable qui me colle à la peau, je trouve ça désagréable. Je ne dis pas que c’est moche la nature, loin de là. J’aime prendre des marches de temps en temps, mais être en colocation avec des araignées ne m'enchante pas vraiment.
Je n’en peux plus d’avoir un chemin déjà tracé, destinée à devenir mère et devoir être parfaite en tout temps. Ne pas être trop grosse ni trop maigre, être musclée, mais pas trop sinon ce n’est pas beau. Avoir une passion, mais attention; il ne faut pas que t’en parles tout le temps. Être élégante en tout temps, tu viens d’accoucher t’as pas le temps de te reposer, faut que tu t'occupes de ton gosse. On subit des commentaires en permanence, parfois je me demande si c’est notre vie ou la leur.
L’histoire des femmes va bientôt prendre une nouvelle direction. Le but de la mission, ce n’est pas juste retrouver nos droits; on vise plus haut. Refaire le monde comme avant, mais en mieux. Imposer l’égalité homme femme, comme eux nous imposent leurs choix.
Je suis ici avec Laura et ses amis parce que je me suis retrouvé dans la même chambre qu’Anna à sa deuxième année. Je n’étais pas supposée tout savoir. Mais, comme chaque être humain, la curiosité m’a envahie. Quand je la voyais cacher un téléphone sous son matelas, j'ai fini par lui poser des questions. Au début, elle me disait de faire attention à moi, elle m’avertissait quand je voulais franchir une des règles de l'école. Et puis une soirée, elle m’a parlé de sa sœur, bien vite elle m’a avoué toute la vérité qu’elle gardée au fond d’elle.
J’ai fini par être sa confidente. Quand elle a parlé de moi aux autres, leur réaction ne m'a pas aidé à me sentir plus accueillie, mais, au fil du temps, j’ai accepté de les aider, on est même devenu amis.
Dans le groupe, je suis celle qu’on oublie. Je n’ai pas vécu des gros traumatismes et je ne possède pas une intelligence incroyable. Je suis plus le personnage secondaire, qui ne se fait pas trop repérer et qui est juste là pour épauler le personnage principal au besoin.
Dans les livres que je lis, je me reconnais plus dans les personnes qui ne prennent pas trop de place, ceux qui essayent de ne pas être la vedette. Souvent, ce sont ceux qui se font tuer en premier et que personne ne pleure pour eux... sauf moi. Parce que je sais ce qu’ils ressentent, le sentiment de ne pas servir, de pas être assez intéressant pour avoir sa propre histoire. Êtres coincés dans la biographie des héros, comme le meilleur ami ou juste être là et se faire oublier au fil de l’histoire, jusqu'à notre mort où là, c’est le moment ou on parle le plus de nous. Le moment où toute une page et même parfois un chapitre nous est dédié. Même si aucun des personnages ne le dit, on sait que notre mort sera vite oubliée, même parfois l’auteur veux juste se débarrasser du personnage de trop.
La personne de trop, c’est ça que je suis. Celle qu’on a oublié de prévenir lors d’un rassemblement ou d’un entrainement surprise et qui mange l’assiette qu’on oublie de placer sur la table.
Dans les histoires, le plus souvent le personnage secondaire envie le héros, moi pas du tout. Je ne veux pas être celle qu’on applaudit, celle qui doit choisir entre le monde et leur monde. Celle qui est le sujet de chaque conversation, le héros, celui qui est invincible. Il pourrait se prendre plusieurs balles dans l’abdomen, il se relèverait toujours. Moi, je n’aime pas être le centre d’attention, les regards sur moi, les grandes foules ça me donne juste le gout de partir dans un coin.
Laura va se relever, elle doit le faire. On a besoin d’elle. Moi, on peut facilement me remplacer, pas elle. Laura ne le sait pas encore, mais elle est la clé de la mission. Elle va devenir l’héroïne de cette histoire, pendant que moi j’essaierai de ne pas me faire oublier.
Parce que c’est ce qui arrive au personnage secondaire.
Le héros survit pour l’histoire.
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