Pascale April, collaboration spéciale
12 mai 2023
« Je ne veux pas mourir, j’ai seulement 17 ans ! »
Ce sont les premiers mots que j’ai dits lorsque j’ai appris que j’étais atteint d’une maladie rare et mortelle. Le 15 octobre 2022, ma vie a pris un tout autre chemin que celui que j’avais tracé. J’avais déjà, depuis un moment, de la difficulté à garder mon équilibre, j’avais des maux de tête terribles et des sautes d’humeur. J’ai pensé que cela avait été causé par un ballon de volleyball que j’avais reçu sur la tête lors de ma dernière pratique, il y a deux semaines. Or, mes parents un peu trop paranoïaques, m’ont forcé à aller consulter un médecin. Après une tonne de tests, les médecins sont venus m’annoncer que j’avais une maladie nommée « Creutzfeldt-Jakob ». Essayer de prononcer ça, c’est impossible, sauf si vous avez un doctorat! Et même là, le docteur s’était pratiqué dans le couloir avant de me l’annoncer.
Cette maladie frappe généralement les gens qui ont plus de 50 ans. Alors, lorsque le Docteur a pris connaissance des résultats, il n’en croyait pas un mot. Il a dû refaire les tests au moins 5 fois. En gros, cette maladie attaque le système nerveux central de la personne. Dans le pire des cas, ça la rend folle juste avant de mourir. Le mieux dans tout ça? Elle est INCURABLE. Il m’a aussi dit que c’était à cause d’une certaine protéine nommée « prions » ou quelque chose du genre qui se trouvait dans le cerveau, et que c’est sa forme anormale qui était la cause de ma maladie. Le Dr. Bertrand m’a expliqué qu’elle était là depuis au moins une dizaine d’années, mais qu’elle sommeillait.
Ah! Aussi, j’ai appris que j’étais dans un état déjà très avancé et qu’il ne m’en restait plus pour longtemps, tout au plus 6 mois. Mais, on pouvait voir dans ses yeux qu’il ne m’en donnait même pas trois.
Dès lors, personne ne me traitait comme avant. J’étais devenu une petite chose fragile, certes je l’étais, mais je n’aimais pas que l’on me traite comme tel. La seule personne qui me traitait comme avant c’était Lina, ma meilleure amie depuis la maternelle et ma voisine, c’est la meilleure. Maintenant, au lieu de m’appeler Noah, elle m’appelle « Noah de coco » parce que je n’ai plus de cheveux dû à tous ces tests.
Oups, j’ai oublié de me présenter! J’ai seulement parlé de cette putain de maladie de merde… Pardonnez moi; je ne suis pas habitué d’écrire dans un journal, c’est le médecin qui m’a dit que ça pouvait m’aider à voir le monde d’un côté plus joyeux. Ce n’est pas comme si j’allais mourir, Bertrand!
Bref, pour faire une histoire courte, je m’appelle Noah Saint-Claire et j’ai 17 ans. Je joue au volleyball, j’ai les yeux marrons et les cheveux presque noirs. J’ai une petite sœur qui s’appelle Elena, elle a 12 ans et elle est tout pour moi. Mes parents sont Charles et Margot, ma mère est infirmière et mon père travaille dans un bureau de comptables. Maintenant, à l’école, je ne suis plus Noah. Je suis le « mort sur pattes ». Tout le monde se tient loin de moi par peur d’attraper ma maladie, même si ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. En même temps, ils veulent tous me donner leur dessert. Je ne veux pas que l’on me traite comme ça. Je sais que je vais mourir et le voir dans leurs yeux ne m’aide pas. Le plus dur dans tout ça, c’est que je ne peux plus pratiquer pleinement ce que j’aime vraiment, le volleyball. Tous les soirs, devoir m’assoir sur le banc parce que je perds l’équilibre et mon souffle, au lieu d’être sur le jeu me brise le cœur. J’avais beau avoir essayé de faire la pratique au complet, c’était impossible. Mon état se dégradait de plus en plus. Ce sport est tout ce qu’il me reste, mais il me semble de moins en moins praticable. Lina me dit toujours que « rien n’est impossible pour Noah Saint-Claire ».
J’avais beau lui dire le contraire, elle tenait son bout de l’os jusqu’au bout.
Aujourd’hui, c’est le 4 décembre. À mon réveil, une migraine ma frappé à tel point que je voyais tout embrouillé, comme si j’étais devenu myope. Ce n’est pas la première fois que ça me fait ça, mais aussi intense et longtemps, jamais. Mon père, en panique, m’a emmené à l’hôpital, il m’a même pris dans ses bras. Je ne me rappelle pas vraiment ce qui s’est passé en détail, mais je suis sûr que mon père pensait que c’était ma dernière journée. Je me suis réveillé dans un lit d’hôpital, j’étais dans une chambre bleue double, où il y avait sur les murs des dinosaures et des papillons. Il n’y avait que moi dans la chambre, mais, de l’autre côté de ma porte, il y avait une personne qui pleurait. Je la reconnue immédiatement, c’était ma mère. Elle était dans les bras de mon père, elle ne pouvait pas se tenir debout. Si j’ai bien entendu le médecin, mon état se détériore très rapidement. Ça fait deux mois qu’on m’a diagnostiqué cette maladie et maintenant, il m’en reste trois à vivre selon ce que j’ai entendu du médecin. Mes parents lui ont dit qu’ils ne souhaitaient pas me le dire maintenant. J’ai reçu un coup de couteau dans le ventre, je ne m’attendais pas à partir si tôt. J’ai 17 ans, bordel! Je n’ai rien vécu. Je suis encore puçeau, je n’ai pas de permis de conduire et je ne suis pas encore allé au bar et je n’irai jamais.
Lorsque mes parents sont venus me rejoindre dans ma chambre, j’ai fait semblant que je dormais encore. Je ne voulais pas qu’ils sachent que j’étais au courant. Ils m’ont « réveillé » et m’ont dit qu’ils devaient aller s’occuper de ma sœur, car il était déjà 15 heures. Mon père devait aller la chercher et ma mère devait retourner travailler. Le médecin m’a dit que j’allais devoir rester à l’hôpital pour encore un moment « pour être sûr que mon état soit stable ». Même si je savais que c’était seulement un code pour ne pas dire « pour être sûr que tu ne meures pas ». Alors, pour une semaine, je vais habiter cette chambre.
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