Rose Malenfant-Poulin, collaboration spéciale
5 juin 2019
Là-bas, c’est le chaos. D’en haut, on le voit dans son ensemble, on voit ses couleurs, ses formes. C’est un amalgame d’histoires que l’on ne connaît même pas, mais qui nous jase. Il y a tous ces vallons, ces plateaux, ces montagnes, ces gigantesques volcans qu’on frôle et qui nous ramènent loin en arrière. Il y a aussi la couleur, le rouge riche de la terre, le vert des forêts, le gris des villes. Un gris étonnant, vivant lui aussi. Un gris de maisons empilées sur des pics rocheux, comme échappées pêle-mêle au milieu d’une marée de tôle, juchées toujours plus haut, comme pour avoir un peu d’air dans ce pays où il est encore dur de faire sa place. Mais les gens sont pétillants. Inconscients, peut-être, de leur situation ou, au contraire, bien conscients et indifférents, décidés à vivre pleinement et à se battre. C’est probablement de là que leur vient leur agressivité, leur détermination que l’on voit autant dans leur travail que sur les routes où la lenteur n’a pas sa place, tous se faufilant en une danse mortelle vers la tête du filon.
En zone rurale, le contraste est saisissant. Le temps semble comme figé. À Antigua, la première ville que nous avons visitée, le passé est partout. Entre les briques des églises, on peut voir l’arrivée des conquistadors, puis la prise d’indépendance du Guatemala. En se promenant, on comprend vraiment pourquoi la ville est maintenant protégée par l’UNESCO.
Lors de cette première journée en tant que touristes, non seulement nous avons pu mieux comprendre l’histoire du pays, mais aussi l’explorer sous plusieurs facettes autant culturelles, économiques que religieuses par nos visites au musée de jade, au musée du chocolat, à l’hôtel de ville et dans diverses églises.
Le lendemain, c’était la montée du volcan Pacaya qui nous attendait. Au sommet, la vue est saisissante et plutôt déconcertante. Sur 360 degrés, des paysages dignes de Jurassic Park côtoient la modernité. La chaleur de la terre dans les hauteurs étant importante, plusieurs centrales géothermiques parsèment le flan des volcans… volcans bien actifs d’ailleurs. Notre groupe a même eu la chance de voir la preuve irréfutable de leur constante activité, non seulement en nous approchant à moins de 20 mètres de roches en fusion, mais en dînant face à un geyser de lave, suite à une explosion mineure, bien que bruyante, du Pacaya.
À notre troisième jour de voyage, c’est le calme d’une école de San Antonio de Aguas Calientes que nous sommes allés retrouver. En l’absence des enfants, nous avons entamé nos travaux communautaires par la peinture d’un gymnase en une couleur éclatante et disons-le, assez dégantée, mais qui se fond étonnamment bien au travers de la végétation qui fait partie intégrante du décor. On comprend pourquoi les pièces sont ouvertes, les bâtiments ayant pratiquement tous des cours intérieures quand ce sont des avocatiers et des citronniers qui bordent les salles de classe.

Après ces trois jours dans nos familles guatémaltèques, chez qui nous résidions, nous avons repris la route en direction de Panajachel, aux abords du Lac Atitlan. Ce lac est un endroit difficilement descriptible, ancien cratère d’un volcan titanesque éteint depuis des millénaires et maintenant rempli d’eau. Une eau aussi claire qu’un miroir aux premières heures du jour, mais qui s’agite au fil de la journée pour n’être pratiquement plus navigable en soirée. Tout en ce lieu est surprenant, non seulement les rives sont criblées de volcans actifs, mais aussi de petits villages juchés en altitude, accessibles qu’en bateau et chacun possédant une micro-culture bien particulière. Ainsi, durant notre séjour à Panajachel, nous avons visité les villages de San Juan et de Santiago, tous deux très religieux et possédant un lourd passé. C’est en discutant avec les gens qu’on arrive à voir l’histoire douloureuse de la place qu’on oublie parfois au travers de toute l’action. Au Guatemala, on panse encore nos blessures suite à la guérilla qui eut cours jusqu’en 1996. Néanmoins, les gens sont ouverts et ont beaucoup à offrir. Nous avons donc eu la chance de vivre plusieurs activités comme la visite d’une coopérative d’artisanat, un tour guidé de divers points d’observation, mais surtout, quelque chose qui en a marqué plus d’un, des descentes en tyrolienne à travers la forêt, les singes-araignées et les lianes.
À notre retour, avant de se remettre au travail, nous nous sommes arrêtés à Chichicastenango où nous avons fait le tour de multiples étales dans des marchés gigantesques et flamboyants et avons visité un cimetière tout aussi coloré. Dans la ville, on pouvait sentir la fébrilité des gens à l’approche de la semaine sainte. En ces lieux très traditionnels, on assiste à plein de préparatifs allant de petites parades à coups de canon assez surprenants.

Les jours suivants, on retournait à San Antonio de Aguas Calientes pour y poursuivre nos travaux. C’est un petit village en développement, alors tout est à faire et à refaire. En visitant des maisons de tôle bâties à même le sol, on voit vraiment à quel point les gens sont ingénieux, mais que c’est difficile là-bas et que nous pouvons aider. Tout le monde a pu contribuer d’une manière ou d’une autre. Nous nous sommes répartis entre la cuisine, le divertissement des enfants, le charriage des brouettes, le brassage du béton, la construction d’une cuisine, la peinture… Au travers de tout ça, nous avons également été imprégnés de la culture par une cérémonie maya et la visite d’un musée sur les vêtements traditionnels où nous avons, d’ailleurs, tous pu nous déguiser.
Pour notre dernière soirée, nos familles guatémaltèques nous avaient préparé un immense souper que nous avons pu manger tous ensemble dans la rue bloquée pour l’occasion. C’était un dernier au revoir rempli de rires, de danse et plutôt émotif étant donné que ça signifiait aussi la fin de notre voyage…
Au Guatemala, la résilience, je crois que c’était ça le plus beau. Voir tous ces gens travailler, reconstruire sans cesse, un séisme après l’autre, se relever pour construire leur pays, pour eux, pour leurs enfants, un pays toujours plus beau où les choses changent, où les gens prennent la parole, se font entendre et écrivent peu à peu leur futur.

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